Aide et protection de la jeunesse[1].

 

Parler de l’aide et de la protection de la jeunesse, c’est évoquer le regard de notre société sur ses jeunes, la place que nous entendons leur attribuer. Conscients que l’infans est un petit d’homme en devenir qu’il faudra amener à gérer progressivement ses droits de manière de plus en plus autonome et, en même temps, qu’il est un être plus vulnérable et fragile qu’il convient de protéger, nous avons à déployer une attention et des moyens particuliers pour rencontrer ses besoins afin de l’accompagner dans sa transition vers l’adolescence puis l’âge adulte.

 

L’aide et la protection de la jeunesse sont traversées par deux préoccupations majeures :

  • L’assistance des parents dans l’exercice de leur autorité parentale lorsqu’ils sont en difficulté et le contrôle de celle-ci en cas de défaillance.
  • La volonté d’apporter une réponse différente à l’acte infractionnel posé par un mineur.

Or, force est de constater, que sur ces deux préoccupations, notre droit, et donc notre regard sur les mineurs, va connaitre une évolution majeure.

 

Assistance et contrôle de l’autorité parentale :

 

La notion de famille et le concept d’autorité parentale ont fortement évolué depuis le début du XXème siècle.

 

La première est désormais légitimée par l’enfant et non plus par le mariage. Autrement dit, c’est l’enfant qui « crée » la famille et plus le statut marital de ses parents. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le cadre d’un couple légalement reconnu ou non, ont les mêmes droits par rapport à leurs parents et au reste de leur fratrie.

Cette famille est aussi devenue polymorphe (famille biparentale, monoparentale, nucléaire, tribu, recomposée,…). Autant de configurations que de règles de vie qui demandent à l’enfant une faculté d’adaptation plus importante.

 

L’autorité parentale a aussi subi une évolution majeure au cours du siècle dernier. De puissance paternelle appartenant au père puis au parent gardien, elle va être partagée entre les membres de « l’équipe parentale » qui survivra à la dissolution du couple conjugal. L’autorité parentale devient un droit fonction exercer conjointement par les deux parents à partir de 1995.

 

Mais cette équivalence de droits n’est pas sans effet au niveau judiciaire. Si les parents sont « condamnés » à prendre ensemble toutes les décisions importantes par rapport à leur enfant, aucun des deux n’est prioritaire et leur désaccord ne pourra se résoudre par un coup de force.

La nécessité d’un tiers, le tribunal de la famille, est alors essentielle pour trancher les différents parfois houleux qui séparent les parents.


Au début du siècle dernier, les lois relatives à la protection de l’enfance vont permettre à l’Etat de pénétrer au sein des familles lorsque celles-ci montrent des signes de faiblesse dans la gestion de l’autorité parentale qui est confiée aux parents.


C’est le « pacte familles – Etat » qui en est ainsi modifié. Avant la loi de 1912, les familles avaient le droit d’être « opaques » vis-à-vis de la société et de se gérer de manière interne sous le contrôle d’un père investi de la puissance paternelle. L’Etat avait, pour sa part, une obligation de transparence dans sa gestion et n’intervenait dans la vie privée familiale que via le droit pénal pour sanctionner les abus manifestes des parents sur leurs enfants (coups et blessures, viol,…).

 

Avec la première loi protectionnelle, l’Etat s’invite dans la vie privée familiale et entend réguler celle-ci chaque fois que l’enfant est en danger.

Dans les cas les plus graves, la déchéance de l’autorité parentale permet de confier cette tâche à un protuteur.

Face à des difficultés plus légères, une assistance aux parents sous forme d’une intervention de service en famille ou d’un placement de l’enfant en institution pouvait intervenir.

 

L’attention particulière de notre société pour ses enfants, la compréhension et la définition de besoins spécifiques liés à leur statut, mais aussi le caractère émancipatoire que notre société va donner à leur éducation vont profondément modifier la vie des familles.

 

La deuxième moitié du XXème siècle fera émerger l’idée que tous les mineurs, qu’ils se mettent en danger (fugue, absentéisme scolaire,…), qu’ils soient mis en danger (négligence, maltraitance,…) ou qu’ils commettent des délits, sont à protéger quasi de la même manière.

 

Réaction par rapport aux actes infractionnels posés par un mineur :

 

Un peu plus d’un siècle après la loi de 1912 relative à la protection de l’enfance, il ne nous semble pas faux d’évoquer un curieux et inquiétant rapprochement du droit de la jeunesse avec le modèle du droit pénal des majeurs dont il entendait pourtant s’écarter.

 

Les lois de 1912, et encore plus celle du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, inscrivaient une approche de type protectionnelle au cœur de la réaction sociale.

Le centre de la loi n’était plus le délit commis par le mineur mais bien sa personnalité, dont son acte éclairait une partie.

Le modèle protectionnel n’est donc pas centré sur le passé (l’acte posé), mais sur le présent (le jeune qui est devant le juge) et son avenir.

A la notion de peine, appliquée de manière rétributive par rapport à l’acte délictueux, se substitue le concept de mesure dont l’objectif est de participer à la construction du mineur, à son intégration dans la société.

Cela n’empêche nullement sa responsabilisation, voire dans certains cas le recours à une sanction éducative ou à une brève privation de liberté, mais cela force l’adulte à toujours s’engager à côté du jeune, reconnaissant par là son statut et ses besoins particuliers.

 

Avec la sixième réforme institutionnelle de la Belgique (2016), la définition de la réaction à la délinquance des mineurs a été transférée aux entités fédérées.

 

Au nord du pays, l’approche choisie est ouvertement pénalo-sanctionnelle. Elle est centrée sur l’acte commis par le mineur qui se trouve désormais morcelé entre deux réactions relevant d’instances différentes selon que l’on réagit à ses actes délictueux ou à son état de danger.

La Communauté flamande aura donc rapidement transformé sa vision de la réaction sociale face à la délinquance juvénile. Bracelet électronique, emprisonnement pouvant aller jusqu’à 7 ans dans un centre spécifique, prolongation des sanctions jusque l’âge de 25 ans, la différence entre le droit applicable aux mineurs et aux majeurs en Flandre a l’épaisseur d’un papier de soie.

Reste le critère de compétence territoriale (résidence des parents en droit de la jeunesse, lieu de commission des délits en droit pénal ) et la gestion du dossier par le même juge au stade des mesures provisoires, lors de l’audience publique et dans l’exécution de la sanction, pour encore différentier un peu les deux approches. Mais pour combien de temps ?

 

La Communauté française a confirmé un modèle protectionnel basé avant tout sur la personne du mineur. Mais ce modèle a vite été mis à mal par une réforme de ses institutions qui prévoit une césure très claire entre les outils proposés pour les mineurs en danger et les mineurs poursuivis pour avoir commis un fait qualifié infraction. Par ailleurs, le dispositif du dessaisissement, permettant le renvoi du mineur ayant commis des faits infractionnels après 16 ans devant un tribunal élargi qui pourra lui appliquer le droit pénal, a été facilité.

 

La législation de la Région Bruxelles, non encore en vigueur, maintient aussi un modèle protectionnel en intégrant suffisamment de mesures pour contenter les deux Communautés.

 

L’évolution de l’aide et de la protection de la jeunesse et sa défédéralisation permettent de mieux comprendre sa complexité actuelle. (Sur la répartition des compétences entre autorité fédérale et entités fédérées cliquez ici.)

Pas moins de trois niveaux d’aide se superposent, mus par des logiques d’intervention différentes. Les acteurs aux commandes de ces différents niveaux sont condamnés à collaborer, tout en respectant leurs prérogatives respectives, sous peine de rendre le système de l’aide et de la protection de la jeunesse encore moins compréhensible pour les usagers.

 

Cette partie du site reprend les documents suivants :


[1] Auteur : Amaury de Terwangne. Sept 2019

AIDE ET PROTECTION DE LA JEUNESSE

DOCUMENTS:

Historique de l'aide à la jeunesse





Analyse des différents niveaux d'aide et de protection



Les acteurs de l'aide et de la protection de la jeunesse




PDF de formation aide et protection de la jeunesse




Fiche instances de l'aide et de la protection de la jeunesse



Fiche sur les services de l'aide à la jeunesse pour les mineurs en danger




Fiche sur les services de l'aide à la jeunesse pour les mineurs en conflit avec la loi